Drusilla -Reine de l'Infamie (UC)

Elle s’était assoupie sans même s’en rendre compte, alors que son corps reposait sur l’herbe fraîche du jardin pendant qu’elle était tendrement bercée par le chant des oiseaux et que sa peau était baignée de la lumière chaleureuse d’un soleil d’été. Pourtant, malgré le cadre qui inspirait la plénitude, son sommeil était agité. Elle se réveilla, haletante et en sueur. Ses rêves laissaient présager un événement funeste. Elle avait rêvé d’un accident à la mine, qui ferait beaucoup de mort et ce cauchemar semblait trop réel pour être anodin. Depuis toute jeune, elle avait le pouvoir de prévenir les événements. Elle se souvenait entre autre, d’avoir pu sauver une petite fille de la noyade, alors qu’elle était tombée dans le puit, grâce à ce don.
Se relevant, elle se précipita à l’intérieur de sa demeure et retrouva rapidement Carol, qui s’inquiéta bien vite en voyant la mine déconfite de sa fille dont les larmes inondaient les joues.

Que se passe-t-il, Drusilla ?
Ma mère… Si vous saviez… Si vous aviez vu l’horreur que j’ai aperçue ! La mine ! Tellement de morts. Elle les engloutira et ne nous rendra que leur dépouille.
Soit plus claire, je ne comprends pas.
Ça a recommencé, j’ai fait un rêve, tellement réaliste. Mère, une terrible catastrophe va s’abattre sur les mineurs, je dois les prévenir !

Elle était tombée aux genoux de sa mère et la suppliait maintenant de bien vouloir lui laisser leur porter secours mais la Dame la retenait fermement. Elle qui était si tendre d’ordinaire, se montrait intraitable quand il s’agissait de ses pouvoirs. Ses traits dont émanait une quiétude sans égale s’étaient soudainement faits sévères, elle s’accroupit pour être à la hauteur de sa fille et parla d’une voix sèche qui lui allait fort mal.

Le Malin se joue de toi ma Fille et il faut que tu lui résistes ! Seul Dieu devrait être capable de connaître l’avenir, si tu as en toi un tel pouvoir, il ne peut être que satanique ! Les voies du Seigneur sont impénétrables et si Dieu a choisi de rappeler ces hommes à lui, tu ne dois pas t’y opposer, comprends-tu ? Qui es-tu pour vouloir bouleverser les plans du Très Haut ?
Mais mère, ils mourront tous si je n’agis pas !
Qu’il en soit ainsi. Des choses plus graves encore arriveront si tu décides de défier le Seigneur ! Maintenant va vite te confesser avant de l’offenser d’avantage.

La jeune fille se releva et séchant ses larmes, trouva le chemin de l’église. Drusilla était une fervente chrétienne et avait besoin de son passage quotidien au confessionnal. Rien ne comptait plus pour elle qu’entrer dans les bonnes grâces de Dieu et elle avait fait de la pureté une véritable obsession. Pourtant, jamais aucun repenti ne put supprimer la culpabilité qu’elle ressentit lorsque le drame se produisit, ce sacerdoce était bien trop lourd pour ses frêles épaules. Elle maudit alors de tout son être les pouvoirs maléfiques qui lui étaient accordés et tenta tant bien que mal de les refouler, sans grand succès.

Bien qu’on se méfiait d’elle, à cause de ses étrangetés, les courbes chastement félines de la douce Drusilla n’étaient pas sans faire tourner les têtes et chavirer les cœurs. Pourtant, même si elle approchait à grand pas l’âge du mariage, elle rejetait chacun de ses prétendants. La prude créature ne désirait pas sacrifier son innocence aux mains d’un homme, elle l’offrirait à Dieu en espérant que son abstinence soit récompensée par la félicité. C’était sans compter sur un certain vampire, qui, s’il portait le masque de l’agneau était le plus dangereux des loups.
Le Sanguinaire, à qui l’étrange jeune femme n’avait pu échapper, se présenta à sa porte, un soir d’automne, peu après la tombée de la nuit. Il prétexta une fatigue insurmontable et une faim tyrannique. La candide humaine qui avait l’âme charitable lui ouvrit sa porte sans même se méfier, à son plus grand regret. Le plus cuisant des enfers s’ouvrit alors sous ses pieds.
L’homme se transforma en monstre et munis de ses crocs féroces tortura un à un les membres de sa chère famille, prenant son temps pour ceux dont elle était particulièrement proche, comme sa jeune sœur, Anne, qu’elle adorait plus que tout et sa mère, qu’elle idolâtrait. Alors qu’elle pensait que l’horreur était à son comble, la créature infernale commis une dernière ignominie et lui vola ce qu’elle détenait de plus précieux, sa dernière part d’innocence avec plus de violence que tout ce qu’elle avait vécu. Et la bête, contentée par ses méfaits laissa l’enfant sur le plancher, dans sa détresse la plus attendrissante, dans sa honte la plus troublante. Il l’avait salie à jamais, à cause de lui, les portes du paradis lui seraient refusées. La belle sentit son psychisme voler en éclat alors que son regard perdu et apeuré cherchait un autre survivant au carnage. Elle ne trouva que des corps exsangues et décharnés.

Devenue vagabonde, on la retrouva plusieurs semaines après la tragédie dans les rues de Londres, sa ville natale. Depuis le terrible événement, qu’elle n’avait su apercevoir, elle se sentait lentement glisser dans la folie et avait peur de commettre des actes impardonnables. Voulant trouver un peu de soutien auprès d’un homme d’église, elle se réfugia dans la maison de Dieu et fit part au Père de ses malheurs, de ses visions et de ses doutes.

Ma pauvre enfant, il est indéniable que tu ais été marquée par le Diable ! Ton âme est perdue, créature impie ! Plutôt que de lutter contre ta nature, accepte-la et ose faire ce qu’elle t’inspire !

Drusilla, qui ignorait que le prêtre était mort et que ce n’était autre que Spike qui se trouvait derrière le grillage, fut terriblement troublée par son discours. Elle le supplia de lui pardonner et de la guider sur le bon chemin tandis qu’il restait sourd à ses appels. Elle prit une fois de plus la fuite et erra pendant plusieurs mois avant d’être repérée par une religieuse et d’entrer au couvent des « sœurs de la pitié ». Malgré les épreuves qu’elle avait endurées, la jeune demoiselle se refit une santé ainsi entourée dans ce cadre qui lui inspirait sécurité. Elle était même appelée à rejoindre les rangs des ferventes servantes du Seigneur, un honneur auquel elle n’osait plus penser. Le soir de son intronisation, une surprise colossale l’attendit. Son bourreau, accompagné par deux autres vampires fit irruption dans la pièce où se passait la cérémonie alors qu’elle allait prononcer ses vœux. Comme lors de leur première rencontre, un furieux carnage eut lieu, aucune des sœurs ne put fuir et elles succombèrent toutes au féroce appétit des créatures de la nuit. Alors qu’elle se terrait dans un coin de la pièce, recroquevillée au maximum, se maudissant pour tous les malheurs qu’elle causait, le vampire alla la rejoindre et la somma de se lever. Tremblotante, elle s'exécuta, sachant déjà qu’il devait être l’heure d’expier, elle ne put réprimer quelques larmes qui tracèrent des sillons humides sur sa peau de lait. Spike la blottit tout contre lui et lui offrit la plus douce des étreintes, ce qui contrastait avec la brutalité dont il avait preuve lors de leur première nuit. Ne voulant plus la voir lui échapper, il lui offrit son cadeau maléfique, l’immortalité.
En cette froide nuit d’hiver, la pieuse Drusilla passa de vie à trépas et c’est une toute autre créature qui vit le jour au sein du couvent. Elle qui fut si douce, s’extasiait maintenant grâce à la violence, la débauche, au sang et à la folie. Elle fut l’une des vampires les plus meurtrières, maintes fois crainte et à raison, elle était l’une des plus puissantes, aussi. Montrant déjà quelques dispositions aux pouvoirs psychiques lors de son enfance, ceux-ci n’en furent que renforcés par sa nouvelle condition.

Avec Spike, ils formèrent un couple macabre et mortel pour les pauvres humains qui croisèrent leur route. Ils sillonnèrent une grande partie de l’Europe, voyageant de guerres en révoltes pour offrir carnages et tueries à ces joyeuses anarchies. Maintenant débarrassée de toute forme de culpabilité, Drusilla vivait pleinement avec sa malédiction, elle ne connut de meilleures années que celles passées en compagnie du vampire. Au milieu du dix-neuvième siècle, leur duo fut rejoint par un tiers, Jake. Cette arrivée aussi soudaine qu’imprévisible, ne ravit pas spécialement la jeune femme, qui, très possessive, voyait d’un mauvais œil le rapprochement des deux vampires. Surtout que Jake était insupportable, à toujours vanter les mérites de Spike. Le petit n’était pourtant pas à sous estimer car lors de leur voyage en Chine, il fut à l’origine de la mort d’une tueuse, ce qui inspira à Drusilla un peu plus de respect envers le caïnite bien qu’elle soit loin de le porter dans son cœur. Une autre rencontre fut tout aussi marquante, celle de la seconde infante de Spike, qu’elle vécut comme un véritable affront envers sa personne. Si les relations entre les deux vampiresses ne furent pas très amicales au début, de longues et nombreuses sauvageries finirent par les rapprocher. Pourtant la demoiselle quitta le groupe de vampires qu’elle considérait comme sa seconde famille au début du vingtième siècle. Drusilla n’était pas le genre de femme à rester à la solde d’un vampire, aussi amoureuse soit-elle. Il fallait qu’elle prouve qu’elle restait un électron libre malgré tout. Aussi, elle ne prévint personne quand elle décida de partir et enivrée par ce délicieux goût de liberté nouvellement acquis, elle se rendit sur les terres du plus célèbre des vampires, en espérant l’y rencontrer. La Transylvanie portait encore les stigmates de la dernière hécatombe que sa troupe y avait causée et la belle demoiselle s’y était fait un nom qui restait ancré dans les mémoires, aussi, il ne lui fut pas difficile de se voir accorder une audience avec l’Illustre Dracula.
Les deux vampires partageaient beaucoup de passion et avait le même goût prononcé pour l’immondice, la voir devenir sa compagne officielle ne surprit donc guère l’Empire duquel le vampire était à la tête, n’oublions pas que Dru est la vampire la plus puissante de sa génération, prospérer à ses côtés donnait des vertiges de grandeur et personne n’ignorait le mythe qu’était Dracula, se pavaner à son bras lui caresser tendrement l’orgueil. Deux décennies passèrent ainsi jusqu’à ce que la Belle fût rattrapée par l’ennui. Malgré les efforts du vampire pour la voir demeurer auprès de lui, la Dame lui faussa compagnie. Drusilla avait toujours rêvé de découvrir la Scandinavie et partit donc en direction du Grand Nord. Elle traversa de nombreux pays et fit une escale bien plus longue que toutes les autres en Islande. Si elle adore son pays natal, cette autre île est son pays de cœur, ses paysages abrupts et glaciés correspondent au mieux à son idéal de beauté. Elle y vécut des nuits paisibles et sanguines, bien qu’elle ne resta guère longtemps dans l’anonymat. Elle rencontra rapidement le Prince des Vampires qui officiait en ses lieux et devint encore plus rapidement l’une de ses favorites. Elle mena la Grande Vie aux côtés de ce vampire qui lui cédait tous ses caprices, pourtant, son cœur demeurait triste. Elle était un oiseau pris au piège dans une cage dorée car il était maintenant impossible pour elle de quitter le château dans lequel elle était enfermée. Terminé, les délicieux carnages et l’enivrante adrénaline qui prenait possession de ses veines lors de terribles boucheries. Envolée, les danses folles autour d’un feu de joie alimenté par les carcasses des villageois. Elle n’avait plus qu’à mordre la viande fraîche livrée sur un plateau chaque jour que Dieu faisait. Son existence devint d’une monotonie affligeante et d’un ennui mortel. Elle se décida à partir, même si elle était consciente de mettre son immortalité en jeu en faisant cela, elle préférait encore être réduite en poussière que de mener cette vie là ! Aidée par plusieurs complices, elle réussit son évasion et s’envola vers une nouvelle terre d’accueil.
Après avoir passé une année par ci, une année par là, la Belle se lassa des voyages, puis l’absence de Spike était devenu un poids qu’elle n’arrivait plus à endurer. La relation entre un sire est son infante était-il toujours aussi fort ? Elle savait que même séparés par des milliers de kilomètres, il ne fut pas un seul jour sans qu’elle ne pense à lui. Dru commença donc ses recherches pour retrouver le groupe de vampire et grâce à ses talents, elle ne dut guère chercher longtemps (il n’y avait qu’à suivre leurs massacres).

On était maintenant au milieu des années 30 et la troupe comptait un membre de plus, Adam. L’attirance de Dru envers ce vampire enfla à mesure qu’il provoquait son aimé, pourtant, elle ne céda jamais à ses sombres fantasmes maintenant qu’elle retrouvait le seul vampire capable d’émouvoir son cœur éteint depuis de si longues années.
Voulant fêter leur retrouvaille, les vampires mirent à feu et à sang chaque ville que foula leur pas. Rien n’était en mesure de les arrêter. Dru approchait les cent trente année et pour marquer l’évènement, Spike pactisa avec un démon. Il voulait obtenir la relique de Freyja, un collier magique capable de rendre leur reflet aux vampires. Pour qu’il devienne sien, il devait réduire à néant l’existence de la tueuse et de toutes ses potentielles. Ayant foi en sa troupe et aux carnassiers assassins qui la composait, le vampire releva le défi et embarqua chaque membre dans une incroyable épopée à travers les cinq continents. Le groupe tua d’innombrables filles, Dru fut à l’origine du massacre de pas moins de deux tueuses, sa force légendaire aidant. Bien qu’ils ne purent remplir leur contrat – le nombre de potentielles étant bien trop élevés même pour ces vampires si expérimentés – la relique fut transmise au vampire qui l’offrit à sa Belle.
Pendant ces années où ils dispensaient que pure ignominie, Dru se sentait invulnérable. Elle était la plus forte d’entre toute et avait su s’entourer de vampires de sa trempe, qui pourrait, dans ses conditions, l’empêchait de nuire ? A manquer de prudence, elle commit de nombreuses erreurs et finit par se faire capturer à Prague par des chasseurs de vampires. L’inquisiteur humain qui avait demandé son arrestation espérait bien faire de cette créature un exemple et par les tourmentes qui lui infligeraient, empêcher ses frères démoniaques d’approcher son pays. Jetée au fond d’une cellule, soumise au régime du jeun, torturée jour et nuit, Drusilla perdit beaucoup de sa force et le reste de son esprit. Alors qu’elle croyait que son existence prendrait fin ici, sa famille infernale la sortit de ce mauvais pas.
Ils partirent rapidement pour l’Angleterre, un endroit sur où Drusilla pourrait recouvrer ses pouvoirs et une santé moins précaire. Pourtant, aucune tuerie ne lui permit de redevenir la créature puissante qu’elle fut jadis. Un seul remède connu pouvait venir à bout du maléfice, le sang d’une tueuse. Après de minutieuses recherches, ils apprirent que l’actuelle se trouvait dans la ville perdue de Sunnydale, la mauvaise troupe se mit donc en route. Et voilà comment les cinq vampires les plus puissants prirent possession d’une ville, massacrant ses habitants à coup de crocs, espérant ainsi déclencher la colère de leur protectrice et lui réserver le même traitement.